Heureux les miséricordieux
Nous aimons tous bénéficier de la miséricorde, mais dans la cinquième béatitude, Jésus montra qu’une condition est nécessaire : si nous souhaitons recevoir la miséricorde, nous devons être nous-mêmes miséricordieux. « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ! » (Matthieu 5 :7). Être miséricordieux signifie simplement pratiquer la miséricorde.
Les huit béatitudes nous enseignent quelle doit être notre approche personnelle dans notre relation avec Dieu. Cependant, les quatre dernières impliquent aussi notre interaction avec les autres êtres humains – nos devoirs dans nos relations avec eux. Ainsi, la cinquième béatitude dirige notre attention sur la façon dont nous devons traiter les autres.
Comment pouvons-nous remplir la condition nécessaire pour obtenir la miséricorde ? Et que voulait vraiment dire Jésus en utilisant ce mot ?
La définition de la miséricorde
Au cours de la scène du tribunal, dans le Marchand de Venise, Shakespeare utilisa le mot « miséricorde » en lui donnant un sens juridique. Il opposa ainsi la notion de la miséricorde à la justice. Insidieusement, cela a modifié la perception de ce mot dans le monde occidental. Nous avons commencé à considérer la miséricorde comme un équivalent du pardon, notamment le pardon d’une injustice perçue. Si nous devions traduire Matthieu 5 :7 en langage vernaculaire, nous écririons probablement : « Heureux ceux qui pardonnent, car ils seront pardonnés ».
Cependant, si notre compréhension de la miséricorde se limite à cette définition, alors nous restreignons ce que notre Père avait prévu, car il s’agit d’une vision incomplète de ce concept.
Voyez la définition de la miséricorde donnée par le dictionnaire Le Grand Robert de la langue française :
Étymologie : du latin misericordia, de misericors, « qui a le cœur sensible à la détresse, au malheur ».
- Sensibilité à la misère, au malheur d’autrui. ? Bonté, charité, commisération, compassion, pitié.
- Pitié par laquelle on pardonne aux coupables. ?Clémence, indulgence, merci, pardon.
Le dictionnaire Larousse définit ainsi l’usage de ce mot :
- Pitié qui pousse à pardonner à un coupable, à un vaincu ; pardon accordé par pure bonté.
- Disposition à venir en aide à celui qui est dans le besoin.
Cependant, l’emploi au sens juridique ou légal de la miséricorde tel qu’il est utilisé de nos jours – le « pardon » – est rarement l’objectif premier de ce mot dans le Nouveau Testament. La miséricorde implique beaucoup plus que cela. Certes, le terme « miséricorde » est utilisé dans le contexte du pardon, mais nous devons examiner le reste des Écritures pour comprendre le sens profond de ce mot.
Un mot d’une grande profondeur
Dans l’ancienne traduction en grec de l’Ancien Testament (originellement écrit en hébreu), connue ultérieurement sous le nom de Septante ou LXX, la première occurrence du mot traduit par « miséricorde » (tel qu’il est utilisé dans la béatitude de Matthieu 5 :7) se trouve dans Exode 22 :26-27 :
« Si tu prends en gage le vêtement de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil ; car c’est sa seule couverture, c’est le vêtement dont il s’enveloppe le corps : dans quoi coucherait-il ? S’il crie à moi, je l’entendrai, car je suis miséricordieux. »
D’autres versions traduisent ce mot par « compatissant » (Semeur) ou « bienveillant » (BFC). Nous pourrions dire que les traducteurs de la Septante comprenaient qu’être miséricordieux reflétait l’idée trouvée dans la première utilisation de ce terme dans la Bible – que le caractère de l’Éternel est compatissant et bienveillant. Cette idée apparaît à nouveau dans l’occurrence suivante dans la Septante.
« Et l’Éternel passa devant lui, et s’écria : L’Éternel, l’Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu’à mille générations, qui pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent, et qui punit l’iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération ! » (Exode 34 :6-7).
En lisant les versets 7 à 9, nous devrions remarquer qu’au moins deux autres mots hébreux sont utilisés pour évoquer l’idée du pardon – traduits par « pardonne l’iniquité » au verset 7 et « pardonne nos iniquités » au verset 9 :
« Aussitôt Moïse s’inclina à terre et adora. Il dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, que le Seigneur marche au milieu de nous, car c’est un peuple au cou raide ; pardonne nos iniquités et nos péchés, et prends-nous pour ta possession » (Exode 34 :8-9).
L’aspect du pardon est souvent abordé pour décrire le caractère de Dieu, mais cela nous montre aussi que le fait d’être miséricordieux représente beaucoup plus que le pardon. Lorsque nous étudions l’utilisation du mot « miséricorde » dans les Écritures, nous y trouvons des associations intéressantes.
« J’aime l’Éternel, car il entend ma voix, mes supplications […] J’étais en proie à la détresse et à la douleur […] L’Éternel est miséricordieux et juste, notre Dieu est plein de compassion ; l’Éternel garde les simples ; j’étais malheureux, et il m’a sauvé. Mon âme, retourne à ton repos, car l’Éternel t’a fait du bien. Oui, tu as délivré mon âme de la mort, mes yeux des larmes, mes pieds de la chute. Je marcherai devant l’Éternel, sur la terre des vivants » (Psaume 116 :1-9).
Dans ce passage, la miséricorde divine est caractérisée par le fait qu’Il garde ou qu’Il préserve les simples, qu’Il sauve ceux dans le besoin et qu’Il fait du bien à Son peuple.
Les Écritures révèlent aussi que la miséricorde est une partie intégrante de la relation de l’alliance, comme le montrent ces versets :
« Ne raidissez donc pas votre cou, comme vos pères ; donnez la main à l’Éternel, venez à son sanctuaire qu’il a sanctifié pour toujours, et servez l’Éternel, votre Dieu, pour que sa colère ardente se détourne de vous. Si vous revenez à l’Éternel, vos frères et vos fils trouveront miséricorde [trouveront de la compassion – Semeur] auprès de ceux qui les ont emmenés captifs, et ils reviendront dans ce pays ; car l’Éternel, votre Dieu, est compatissant et miséricordieux, et il ne détournera pas sa face de vous, si vous revenez à lui » (2 Chroniques 30 :8-9).
Les Hébreux comprenaient bien le concept d’être miséricordieux et la langue hébraïque l’exprime efficacement. Cette compréhension influença les auteurs hébreux, sous l’inspiration divine, à associer fréquemment les mots « miséricorde » et « compassion », parfois même en les utilisant l’un après l’autre.
« Mais toi, Seigneur, tu es un Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité ; tourne vers moi les regards et aie pitié de moi, donne la force à ton serviteur, et sauve le fils de ta servante ! » (Psaume 86 :15-16).
« L’Éternel est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté […] pour ceux qui le craignent ; autant l’orient est éloigné de l’occident, autant il éloigne de nous nos transgressions. Comme un père a compassion de ses enfants, l’Éternel a compassion de ceux qui le craignent. Car il sait de quoi nous sommes formés, il se souvient que nous sommes poussière » (Psaume 103 :8-14).
La caractéristique d’être miséricordieux est étroitement liée au fait d’être compatissant.
Remonter à l’origine du mot
Connaître l’étymologie ou la racine du mot hébreu pour miséricorde nous aidera également à mieux comprendre ce terme. Le mot souvent traduit par « miséricorde » ou « miséricordieux » est lié au terme hébreu désignant l’utérus – ces deux mots partagent la même racine. Ainsi, la protection et le fait de prendre soin sont une part essentielle de la miséricorde.
« La profondeur de cet amour est révélée par le lien de ce mot avec re?em/ra?am [racham]. Comparez avec Ésaïe 49 :15 qui l’utilise pour [décrire] l’amour d’une mère envers son nourrisson. Il peut aussi se référer à l’amour d’un père (Psaume 103 :13) » (Theological Wordbook of the Old Testament).
Comme nous l’avons vu dans les définitions du dictionnaire citées au début de l’article, la langue française a conservé un lien fort entre la miséricorde et la compassion. D’autres langues, comme l’espagnol, ont aussi conservé ce lien, tandis que le mot anglais pour miséricorde a plutôt tendance à exprimer uniquement l’aspect « juridique ».
Dans les traductions en français de l’Ancien Testament, le mot « miséricorde » est parfois la traduction d’un autre terme hébreu, checed (par ex. Jérémie 3 :12 ; Psaume 145 :17). Et dans le psaume qui utilise le plus le terme « miséricorde » (Psaume 136), le mot est traduit depuis l’hébreu checed. C’est un des termes hébreux les plus difficiles à traduire car, bibliquement, il est uniquement utilisé pour la divinité et il ne possède pas les connexions le rapprochant des descriptions humaines, contrairement au mot racham également traduit par miséricorde ou compassion.
Souvent traduit par « compassion » ou « miséricorde », checed correspond plutôt au concept de la grâce tel qu’il est utilisé dans le Nouveau Testament (pour en savoir davantage, veuillez consulter l’article “Charis, checed, la loi et la grâce” publié dans Le Journal de l’Église du Dieu Vivant de novembre-décembre 2015). Dans l’article actuel, j’ai fait très attention à bien choisir des exemples où le mot original hébreu ou grec correspondait au sens de « miséricorde » ou « miséricordieux » utilisé intentionnellement dans la béatitude de Matthieu 5 :7. Pour approfondir ce sujet par vous-même, utilisez une concordance pour vous assurer que la traduction française reflète le bon mot.
Une qualité surhumaine
La miséricorde, telle qu’elle est décrite dans la Bible, est une qualité associée au caractère divin. Bien que la parole de Dieu décrive parfois des personnes ayant en général cette qualité (par ex. 1 Rois 20 :31), elle ne mentionne presque jamais un être humain spécifique qui aurait été miséricordieux, pas même David qui fut un homme selon le cœur de Dieu. Bien entendu, l’exception est Jésus-Christ Lui-même, le Fils de Dieu.
« En conséquence, il a dû être rendu semblable en toutes choses à ses frères, afin qu’il soit un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle dans le service de Dieu, pour faire l’expiation des péchés du peuple » (Hébreux 2 :17).
Bien que nous trouvions de nombreux exemples de la miséricorde divine dans la Bible et des exemples de la miséricorde du Christ dans le Nouveau Testament, les exemples de la miséricorde émanant d’êtres humains sont très rares. Paul montra clairement qu’être « dépourvu de miséricorde » était une conséquence d’être coupé de Dieu :
« Comme ils ne se sont pas souciés de connaître Dieu, Dieu les a livrés à leur sens réprouvé, pour commettre des choses indignes, étant remplis de toute espèce d’injustice, de méchanceté, de cupidité, de malice ; pleins d’envie, de meurtre, de querelle, de ruse, de malignité ; rapporteurs, médisants, impies, arrogants, hautains, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, dépourvus d’intelligence, de loyauté, d’affection naturelle, de miséricorde » (Romains 1 :28-31).
Nous voyons ainsi que la cinquième béatitude décrit une qualité qui ne vient pas naturellement chez les humains. La miséricorde est un aspect du caractère divin que nous devons intégrer à notre propre caractère. Nous devons l’internaliser ; cela doit guider notre mode de pensée et nos actions. Bien entendu, cela ne peut se produire pleinement qu’après avoir reçu le don du Saint-Esprit – qui est un autre exemple de la miséricorde divine !
La miséricorde de Dieu à notre égard
Comme l’apôtre Paul l’expliqua, c’est la bonté de Dieu qui nous guide à la repentance (Romains 2 :4). Plus loin dans la même épître, il fit référence à Exode 33 :18-19 en écrivant :
« Car [Dieu] dit à Moïse : Je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde et j’aurai compassion de qui j’ai compassion. Ainsi donc, cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde » (Romains 9 :15-16).
Notre propre appel est un acte de miséricorde et de compassion de Dieu à notre égard !
Il est incroyable que le Dieu tout-puissant, le grand Créateur de l’Univers, fasse preuve d’autant de miséricorde à notre égard – nous qui ne sommes que de simples mortels ! Pourtant, Il se soucie de nous et Il nous exprime Sa compassion, Sa bienveillance et Sa miséricorde de bien des manières.
C’est aussi la sorte de miséricorde qu’Il attend de nous à l’égard des autres. C’est ce que Jésus avait en tête en déclarant : « Heureux les miséricordieux. » Il déclara aussi à Ses disciples : « Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux » (Luc 6 :36).
Refléter le Père
La qualité de la miséricorde, telle qu’elle est mentionnée dans la cinquième béatitude, va bien au-delà d’une simple relation avec la justice. C’est assurément un aspect de l’utilisation actuelle du mot, mais la mise en pratique de la miséricorde représente bien plus que cela.
Être miséricordieux se rapporte à notre façon de prendre soin des autres, d’être bienveillants et d’avoir de la compassion à leur égard. La volonté de notre Père de pardonner est une expression de cette compassion (Jean 3 :16). C’est l’acte divin d’exprimer envers les autres êtres humains, créés à l’image de Dieu, la même attention et le même intérêt que le Père montre pour Sa création, pour l’œuvre de Ses mains. Alors que nous revêtons cet attribut divin et que nous apprenons à devenir miséricordieux – comme l’est notre Père céleste – nous recevrons en retour la miséricorde que nous désirons de Sa part et dont nous avons tant besoin.
Voyons en conclusion un dernier verset se référant à la situation des Laodicéens dans l’Église de Dieu. Nous sommes tous conscients de la correction donnée par Jésus-Christ à Son Église. Dans celle-ci, Il déclara qu’un individu reflétant le caractère de l’ère de Laodicée est « misérable, pauvre, aveugle et nu » (Apocalypse 3 :17). Le terme misérable signifie sans miséricorde ! À l’époque ou l’attitude laodicéenne est prépondérante, il est essentiel que nous cherchions à comprendre la place de la miséricorde dans notre vie.